McDonald's profite du potentiel marketing de la réalité virtuelle

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McDonald’s vient de frapper fort en Suède par le lancement d’une boîte Happy Meal transformable en dispositif de réalité virtuelle compatible Google Cardboard connue sous le doux nom de Happy Goggles. Que nous soyons amateur de hamburgers ou non, avouons que l’idée est plus qu’alléchante.

L’annonce avait fait le tour des blogs high-tech du monde entier au cours du mois dernier, McDonald’s profite à son tour de la douce aura de la réalité virtuelle pour faire entrer ses hamburgers dans le 21ème siècle. Que le géant américain ait choisi la Suède ne m’étonne guère. L’immense pays scandinave est mondialement réputé pour sa politique et culture de l’enfant-roi. Pour avoir vécu six mois dans ce pays, j’affirme fermement que le stéréotype n’en est pas un.

Des Happy Goggles à la sauce Google Cardboard

Pour comprendre le principe des lunettes de réalité virtuelle made in McDonald’s, il faut revenir un instant sur le concept des Google Cardboard. Annoncées lors de la grande messe du Google I/O 2014 à San Francisco, les Google Cardboard sont des lunettes de réalité virtuelle au design open source entièrement constructibles par l’utilisateur à l’aide de matériaux low-cost. Les ingrédients nécessaires à la construction d’un Google Cardboard sont les suivants :

  • du carton
  • des bandes velcro
  • un élastique
  • deux lentilles
  • un tag NFC

Google Cardboard

Après avoir construit fièrement votre dispositif, il ne vous reste plus qu’à insérer votre smartphone à l’intérieur de celui-ci et de profiter des applications compatibles et disponibles sur votre store. Parmi celles-ci, nous pouvons citer YouTube pour, entre autres, les vidéos 360° et 3D, l’application officielle Cardboard qui fait office de démo et tout un tas de jeux et de simulateurs (les fameux simulateurs de grand huit) qui feront frémir vos petits iris étonnés.

Vous l’aurez compris, ce n’est pas avec une paire de lunettes en carton alimentées par un smartphone que l’expérience d’un Oculus Rift pourrait être égalée. Tel n’est pas le but de Google qui a simplement voulu jeter une pierre dans la mare afin de sensibiliser le public à cette technologie et, par la même occasion, s’imposer comme le premier leader mondial de la réalité virtuelle et ce avant l’arrivée du concurrent estampillé Facebook.

Monter son casque de réalité virtuelle, un jeu d’enfant

Les ingénieurs et marketeurs du grand M doré n’ont donc pas eu à trop se creuser les méninges pour initier une transformation cosmique entre une boite de Happy Meal et un casque de réalité virtuelle. Le principe est même d’une simplicité enfantine.

  1. Sortir sa petite nourriture de sa petite boite
  2. Manger (ou non) son petit hamburger et ses frites, boire sa boisson
  3. Plier en suivant les lignes
  4. Utiliser les lentilles en plastique fournies
  5. Insérer son smartphone

Voyez plutôt avec ce Vine réalisé par Mashable :

Une fois le dispositif monté, il suffit de se rendre sur un site Internet dédié pour télécharger un jeu à visée éducative connu sous le doux nom de “se upp i backen” (ce qui signifie approximativement “attention à la pente”). L’idée communiquée par McDonald’s est de faire comprendre de manière ludique aux enfants qu’il faut faire attention aux pistes trop pentues et à éviter les obstacles quand ils font du ski. Et en même temps de faire entrevoir aux parents le monde digital dans lequel évolue leurs chérubins.

Photographie de Happy Goggles montées

Comme toutes les applications de réalité virtuelle, le jeu de McDonald’s utilise les capteurs internes de votre smartphone (accéléromètre et gyroscope) afin de guider votre personnage sur la piste de ski et ainsi lui éviter de se casser une jambe contre un arbre en pixels. L’argumentaire éducatif déployé par la chaîne de fast-food n’est que peu crédible, il y a donc anguille sous cornichon.

La réalité virtuelle se transforme en réalité marketing

La réalité virtuelle n’est plus un simple fantasme rétro-futuriste, elle est devenue une réalité bien réelle. Après le succès de la campagne Kickstarter de l’Oculus Rift en 2012 et l’annonce trépignante de son rachat par Facebook en 2014 pour la modeste somme estimée de 2 milliards de dollars, la réalité virtuelle est devenue la promesse d’un avenir encore plus joyeux. Tout d’abord adulée par les early adopters geeks et les gamers, la réalité virtuelle s’est incarnée en réalité marketing notamment par son utilisation par différentes entreprises.

En effet, en 2014 le géant suédois (encore eux) de l’automobile Volvo pris la décision de créer une application de réalité virtuelle compatible Google Carboard afin de proposer au potentiel client une expérience de conduite de l’un de ses véhicules. L’entreprise Birchbox a elle aussi décidé de livrer un Google Cardboard dans ses box destinées aux hommes. En téléchargeant leur application River VR, l’utilisateur se retrouve projeté dans tout un tas de situations imbibées de testostérone telles qu’une course de rallye automobile ou au creux d’une vague sur la planche d’un surfeur aguerri.

Chacune des entreprises a ses propres arguments marketing quant à l’utilisation de la réalité virtuelle. Volvo prône l’immersion comme facteur déclencheur d’achat, Birchbox veut conforter son image de plateforme de découverte de produits (et de sensations) mais qu’en est-il de McDonald’s pourtant simple recéleur de graisse sur pain au sésame.

Pourquoi McDonald’s se lance-t’elle vraiment dans la réalité virtuelle ?

Tout d’abord il faut comprendre la situation du géant du fast-food américain en Suède. Comme les irréductibles gaulois qui résistaient à l’envahisseur romain, la Suède résiste à la domination du Big Mac. En effet, la chaîne de fast-food suédoise Max est un concurrent local indétrônable même par Ronald et toute sa bande et un concept seulement exporté dans quelques villes des pays voisins. La Suède est un des rares pays qui possède une chaîne de restauration rapide qui a fait fermer des restaurants McDonald’s, Max étant une entreprise familiale suédo-suédoise fondée en 1968 et présentant toutes les caractéristiques d’une entreprise à la politique sociale et écologique nordique (politique d’égalité des chances avec les travailleurs handicapés par exemple). Max attire bien plus les autochtones, il suffit d’ailleurs de visiter ce magnifique pays et d’entrer à la fois dans un McDonald’s puis dans un Max pour se rendre compte de la différence flagrante. Outre le nombre de clients bien souvent supérieur dans les Max, la population y est aussi très différente. En effet, chez Max se côtoient des suédois seniors venant déguster des hamburgers avec leurs enfants et petits-enfants. La sortie familiale du dimanche dans un fast-food où, par ailleurs, aucun menu n’est traduit en anglais contrairement aux concurrents Burger King et McDonald’s.

Restaurant Max, copyright Håkan Dahlström

En dehors de ma dimension personnelle, des recherches montrent que la préférence des suédois pour la chaîne Max est due à différents facteurs. Parmi ceux-ci, nous pouvons citer la qualité du service, la loyauté de la clientèle et surtout le taux de satisfaction bien plus important et notamment causé par des critères comme le goût des aliments, le choix de produits ayant un impact réduit sur la santé etc. L’étude met surtout en valeur la nette préférence des échantillons des 16-18 ans et 19 ans et plus pour le fast-food Max.

A la lumière de ces éléments, il est tout indiqué que l’utilisation de la réalité virtuelle par McDonald’s est une tactique d’acquisition d’une clientèle qui se détourne habituellement de ses restaurants. Le coeur de cible de McDonald’s a toujours été les enfants, les Happy Meals représentant plus de 20% des ventes globales de McDonald’s, et inclure une technologie ludique et peu coûteuse comme celle des Google Cardoards dans son menu destiné aux enfants est un choix astucieux. D’autant plus que la réalité virtuelle est autant appréciée par les enfants que par leurs parents.

En outre, la Suède était toute indiquée pour cette expérience pour le moment isolée. Pourquoi ? Car le culte de l’enfant-roi y est extrêmement développé. A tel point que les grandes enseignes suédoises, dont le géant Ikea n’hésitent plus à intégrer des espaces dédiés au jeu et à l’épanouissement de l’enfant au sein de leurs magasins. McDonald’s a donc une carte à jouer en proposant un jeu dit éducatif doublé d’une technologie qui est non-seulement propice à l’émerveillement, mais aussi à la curiosité des adolescents.

Le futur de la réalité virtuelle dans le domaine du marketing

Difficile de prévoir les différentes utilisations à visée marketing de la réalité virtuelle. Néanmoins, cette technologie est un nouveau média puissant pour un marketeur de par son caractère immersif. La projection d’un client dans un univers quasi-réel est un atout puissant pour le story-telling et un facteur d’engagement indéniable.

Le futur de la réalité virtuelle se caractérise avant tout par la multitude de méthodes rendues disponibles par la technologie. La réalité augmentée qui est apparue sporadiquement sur nos smartphones va prendre un tournant majeur dans les années à venir de par les investissements massifs dans ce domaine. En effet, au deuxième trimestre 2015 les investissements dans la réalité virtuelle et augmentée se portaient à 131 millions de dollars soit une augmentation de 72% par rapport au premier trimestre 2014.

Google se porte, une fois de plus, volontaire pour investir massivement dans des start-ups comme Magic Leap où ils ont investi la bagatelle de 542 millions de dollars en octobre 2014. Au delà de l’attrait de la technologie pour la technologie, la simplicité d’utilisation de la réalité virtuelle cumulée au potentiel d’immersion et de story-telling en fera un nouvel outil de communication et une tactique marketing dans les prochains mois.

Et vous vos frites, vous les prenez avec du ketchup ou avec un casque de réalité virtuelle ?